Après avoir pillé pendant
près de 30 ans le lit mineur de la Garonne, avec les effets irréversibles
que l’on connaît (érosion et effondrements des berges, augmentation
du bouchon vaseux, destruction des frayères, etc.) les extracteurs
convoitent de s’installer dans l’Estuaire de la Gironde, où ils
auraient une espérance d’extractions pour 50 ans !
Déjà la SARL Les Gravières
de Saintonge envisage d’extraire 350 000 tonnes de granulats par an
pendant 30 ans dans une zone de 800 mètres de large, comprise
entre Calonges et le Port de Vitrezay, à la frontière des
départements de la Gironde et de la Charente Maritime.
La DRIRE ayant donné un avis favorable,
il ne reste qu’à réviser le POS de la commune de Saint-Ciers-sur-Gironde
et le dernier verrou sautera. Le Maire , Daniel Picotin, qui « respecte
la liberté d’entreprendre » (cf. Sud-Ouest du 26.08.2000)
a déjà fait savoir qu’il était favorable à
cette modification , au nom de l’économie, mais de laquelle ?
Sûrement pas celle qui devrait prévaloir
dans l’intérêt du plus grand estuaire européen, dans
le respect de son développement durable, mais au contraire pour
pouvoir répondre à la politique des grands travaux
, particulièrement autoroutiers (A.89, future autoroute Pau Langon,
aménagements lourds prévus dans le cadre du SDAU, schéma
directeur d’aménagement urbain de l’agglomération bordelaise).
L’UNICEM qui regroupe les professionnels
de carrières et matériaux, se plaint de la pénurie
et demande la constitution d’un observatoire régional, vraisemblablement
pour mettre en place les moyens d’une économie bien comprise, la
sienne, directement liée à celle qui préside au développement
permanent de l’autoroutier et ce au détriment des solutions
alternatives.
Or le déficit départemental
de matériaux de carrières est en grande partie lié
au développement du trafic de transports routiers nord-sud européen
et par conséquent la facture alluvionnaire et environnementale n’a
pas à être supportée par les seuls Aquitains et Girondins
! |
La grave est un matériau noble qui
nous vient de « la nuit des temps », qui n’est pas renouvelable,
et qui ne devrait être réservée qu’aux usages exigeants
(béton, couches de roulement, enrobés) et surtout qui devrait
être vendue à sa juste valeur et non bradée.
Les extracteurs peuvent utiliser d’autres
types de matériaux, peuvent mettre en œuvre des technologies
de recyclage, mais comme le souligne un représentant de l’ UNICEM
: « … la part des matériaux de recyclage est encore
faible pour des raisons économiques et techniques. De plus la technique
est possible en région parisienne, par exemple, car il n’existe
pas de carrières de proximité, le produit recyclé
est alors plus compétitif, que le produit naturel… ».
(cf. interview de M. Marteau
Hexagone Environnement n°32 juin 2000)
La Gironde est encore riche en granulats,
son estuaire également, alors pourquoi se priver et ne pas continuer
à pratiquer une « économie de cueillette » qui
rappelle fâcheusement une mise en pratique dans les pays en voie
de développement !
Alors qu’au contraire, au nom d’une économie
bien comprise :
Il faudrait que la grave soit lourdement
taxée comme le sont les activités polluantes et portant atteintes
à l’environnement.
Il faudrait que cette grave noble soit
interdite d’utilisation en tant que remblai de masse, ce qui rendrait plus
compétitifs d’autres sources de matériaux de substitution.
Il faudrait aussi avoir le courage politique
de s’attaquer aux lobbies, de fa ire payer aux transporteurs le coût
des routes avec une redevance poids lourds à la tonne kilomètre,
ce qui rendrait aussi plus compétitifs les autres moyens de transports
et notamment le ferroutage.
Cela obligerait aussi à une réflexion
portant sur les transports superflus, les transports à vide , le
fait que la collectivité paie « les stocks roulants »
d’entreprises qui travaillent à flux tendus…
Si l’on n’y prend garde, au nom d’une certaine
idée de l’économie, les Girondins paieront la facture à
tous les niveaux : destruction de l’environnement estuarien, paysager,
pollutions et nuisances, économie locale en péril (pêche,
patrimoine, tourisme…)
Il n’est pas sûr qu’ils soient prêts
au nom d’une économie européenne à payer le prix fort
pour quelques millions de tonnes de graves de plus !
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